Les Dernières Heures d'Asthérion/Mythographie sur support papier mise en images et en voix numérisées




 curiosité n°007 : les dernières heures d'Asthérion
[encre sur papier. cahier 72 pages -- moleskine. Mis en voix et envisagé sur support numérique]
fragment de prose daté du XXIème siècle retrouvé sur un site tauromachique de la banlieue languedocienne de méditerranée occidentale. ce récit mythographique raconte les derniers instants d'un héros / d'un monstre de la mythologie classique / et contemporaine, dont tout le monde a oublié le nom et la nature véritable.

Pièce ultime de ce cabinet de curiosité « les dernières heures d'Asthérion » est une commande que Dajan et Netbrec ont passé à Léhanne, élève de 1Com, après sa rencontre avec le monstre. C'est une nouvelle au sens littéraire du terme, une très grande surprise pour nous car nous avions pris le parti dès le début de ne pas engager les participants dans une écriture littéraire, Léhanne en nous confiant qu'elle y consacrait son temps, nous a incité à outrepasser nos règles et le résultat a donné lieu pour la première fois à la création d'un manuscrit et à une mise en voix et en image que nous considérons comme inachevée mais annonciatrice d'une pièce future plus élaborée pour couronner ce grand moment que fût la journée de rencontre avec le monstre.  


 
Les dernières heures d'Asthérion

En réalité, je ne sais plus qui je suis. Un homme ? Un animal ? Ou bien, un monstre ? Je sombre dans la folie depuis que je suis ici... Je voudrais m'enfuir, sortir de ce labyrinthe, pouvoir rejoindre Ariane. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai peur. Peur de la mort. Je sens qu'elle approche, plus vite que je peux l'imaginer. Depuis que je suis enfermé ici, je ne fais que désespérément chercher la sortie. Je tourne en rond. Je reviens sur mes pas. Je deviens complètement fou. Mais le plus dur dans tout ça, c'est que je suis seul. Horriblement seul. J'ai tous ces humains autour de moi. Tous ces humains morts. Morts de mes mains. Si je peux encore les considérer comme des mains. Quand je tue quelqu'un, je suis un animal, je ne suis qu'un monstre. Mais quand je pense à Ariane je me sens humain, je ressens ce que que les Hommes appellent le « sentiment de l'amour ». Mais au fond, est ce que je lui manque ? Est ce qu'elle pense à moi ? Au moins un petit peu ? Je n'ai qu'un seul souvenir d'elle. Ce bracelet tressé de laine rouge qu'elle m'a offert quand nous étions jeunes. Il ne me reste que ça de ma vie d'avant. Je regrette ma vie d'avant. Vraiment. Aujourd'hui j'ai toujours cette impression que quelqu'un approche pour me tuer. Encore une fois. Mais maintenant, je suis fatigué. Je suis épuisé de tout ça. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas eu une vraie nuit. Des hommes, ayant pour mission de nuire à mon existence, pourrait bien me surprendre dans mon sommeil. Je sens la peur monter en moi. C'est la première fois que j'ai autant peur. Peur de mourir mais aussi de ne jamais revoir Ariane. Pourquoi devrais-je mourir ? Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ? Je suis né différent... Et alors ? Est ce une raison pour me tuer ? Je hais Minos. C'est à cause de lui que je suis né. Mais je le remercie. Je regrette d'être né, mais la rencontre d’Ariane me donne une raison de vivre. J'aurais tellement aimé être normal. Enfin, humain quoi... ///J'étais perdu dans mes pensées, une fois de plus. Mais cette fois-ci, plus que d'habitude. Je regardais le ciel. Il était d'un bleu éblouissant. Ravissant même. Un bleu si profond qui me rappelle la beauté des yeux d'Ariane. Je voulais partir. M’évader d'ici. Pouvoir vivre tous simplement. Une dizaine de minutes passa. Rien ne pouvait couper le fil de mes pensées. Rien, sauf la sensation d'une présence. Oui, quelqu'un est là, derrière moi. Un mélange de sentiments incontrôlables m'envahit. A la fois de la haine, de la peine, de la peur mais aussi de la rage. J’étais désorienté, plus que les autres fois. Mon instinct me dit d'attaquer sans plus attendre et mon premier réflexe fut de me retourner le plus vite possible et de bondir vers lui.
Mais mon corps se figea à la vue d'une pelote de laine rouge présente dans ses mains. Elle laissait derrière lui une ligne rouge disparaître dans les profondeurs du labyrinthe. ///
  • M: Qui es-tu ? Ou as-tu obtenu ce fil ?

  • T: Et bien, mon ami. Ou plutôt cher Monstre. Puisque c'est moi qui vais te tuer, je pense que tu as le droit de savoir qui va mettre fin à ta misérable existence. Je suis Thésée, jeune athénien, qui après avoir réussi les épreuves que l'on m'a soumises, est venu jusqu’ici accomplir ma mission ! Te tuer ! Et ce doux et soyeux fil de laine m'a été offert par la ravissante jeune demoiselle qui va devenir ma femme afin d'avoir toute mes chances pour revenir à l'entrée du labyrinthe sans encombre.

  • M: Quel est son nom ?!

Je ne lui parlais plus. Je hurlais. Je ne voulais pas connaître la réponse. Mais il fallait que je le sache. Pour ma conscience.

  • T: Je suis sûr que tu la connais ! Son nom c'est... Ariane !

Dans sa voix … je sentais de l'amusement. Mais moi je n’étais pas du tout amusé. Pourquoi ? Ce n'est pas possible... Pas elle... C'est la seule qui a été proche de moi. La seule qui m’a accepté comme j'étais. Pourquoi voudrait-elle que je meurs ? C'est insensé...
  • M: Alors comme ça, même Ariane veut que je meure ?

Ce fut horriblement dur pour moi de prononcer ces mots. Je ne voulais pas y penser. Pour moi c’était tout simplement impossible. Ariane était ma seule raison d'être.

  • T: Mais voyons. Tous le monde souhaite ta mort !

Sa voix était remplie d'ironie et en temps normal cette phrase m’aurait énervé au plus haut point. Mais je ne ressentais plus aucune haine désormais. Elle avait laissé place à tristesse et au désespoir. Si Ariane voulait que je meure alors je devais mourir.

  • M: Tue moi...
  • T: Comment ?
  • M: TUE-MOI ! AVANT QUE CE SOIT MOI QUI TE TUE !
  • T: C'est presque trop facile comme ça.

Il ne me restait que quelque minutes à vivre, je le savais, j'allais mourir. J'avais passé les trois dernières heures à me lamenter sur mon sort, et j'allais mourir là, comme ça. Il se dressa devant moi. Il faisait deux têtes de moins que moi. J'aurais pu le tuer facilement. Aussi facilement que j'avais tué les autres. Il brandit son épée et la planta droit dans mon cœur. Une douleur atroce m'envahit, mais ce n'était rien comparé à ce que je pouvais ressentir pour Ariane. Au moment où il retira son épée, je m'effondrais sur le sol. Mon sang, coulée à flot de ma poitrine, se mêlant au sang des cadavres qui se trouvaient là. Les minutes me paraissant comme une éternité. Je vis ma vie défiler devant mes yeux. Mes plus beaux souvenirs étant ceux passés avec Ariane. Malgré la mort qui m'envahissait de plus en plus, me prenant chaque partie de mon corps, je réussis à bégayer quelques derniers mots. Ma dernière faveur.
  • Dis à Ariane... que je l'aime...
La dernière image que je pus voir fut Thésée s'en allé dans l'obscurité du labyrinthe me laissant derrière lui, à jamais prisonnier de ces dédales. J'aurais pu y arriver. J'aurais pu réussir à m'en sortir. J'avais juste à le tuer, comme j'ai si bien fait avec les autres, et à suivre le chemin de laine. Peut-être que les autres m'aurait enfin accepté tel que je suis. Et j'aurai pu revoir Ariane. Ma douce Ariane. Mais je ne l'ai pas fait. Pour toi justement... Parce que je t'aime... Ariane...

Une larme s'échappa des ses yeux... Ce fût la première et la dernière.

Asthérion, mort par amour.